Dans un contexte de marchés du travail de plus en plus tendus et d’un ralentissement de la croissance de la productivité, l’Europe comme les États-Unis font face à des changements profonds de la demande de main-d’œuvre, alimentés par l’essor de l’IA générative et de l’automatisation.
Selon une modélisation actualisée de la future dynamique du travail, la demande pour les emplois dans les domaines STEM (Science, Technologie, Ingénierie, Mathématiques), les soins de santé et d’autres professions à hautes compétences devraient augmenter, tandis que la demande pour les employés de bureau, travailleurs de production ou agents de service client devrait décliner.
IA et automatisation : jusqu’à 30 % du travail automatisé d’ici 2030
D’ici 2030, dans un scénario d’adoption moyenne, jusqu’à 30 % des heures de travail actuelles pourraient être automatisées, un rythme accéléré par l’IA générative.
Les facteurs qui contribuent à ce phénomène ne sont pas seulement technologiques : la transition vers la neutralité carbone, le vieillissement de la main-d’œuvre, la croissance du e-commerce, les investissements dans l’infrastructure et la technologie ainsi que la croissance économique globale jouent également un rôle.
En Europe, jusqu’à 12 millions de transitions professionnelles pourraient être nécessaires d’ici 2030, soit à peu près le double du rythme pré-pandémique. Aux États-Unis, ce nombre pourrait aussi atteindre près de 12 millions, ce qui est en ligne avec la norme d’avant la pandémie.
Quels emplois et compétences seront les plus demandés demain ?
L’analyse montre que la demande pour certains types d’emplois croîtra : les professionnels de la santé, les experts en STEM et autres rôles à hautes compétences devraient voir une hausse de 17 % à 30 % entre 2022 et 2030.
À l’inverse, les emplois dans la restauration, la production, le service à la clientèle, les ventes et le soutien administratif (déjà en recul entre 2012 et 2022) continueraient de décliner jusqu’en 2030. Ces activités sont particulièrement vulnérables à l’automatisation car elles impliquent beaucoup de tâches répétitives, de collecte de données ou de traitement élémentaire.
Concernant les compétences :
- Les compétences technologiques : en Europe, la demande pour ce type de compétences pourrait croître de 25 % d’ici 2030, et de 29 % aux États-Unis.
- Les compétences sociales et émotionnelles (empathie, leadership, adaptation) : hausse prévue de 11 % en Europe et 14 % aux États-Unis.
- À l’inverse, les compétences cognitives de base (support administratif, service client, traitement de données simples) devraient décliner de 14 % en Europe.
- Les compétences cognitives avancées (littératie avancée, rédaction, statistiques) pourraient légèrement décliner également, malgré un maintien de la demande pour la créativité (+12 % prévue d’ici 2030).
- Les compétences physiques/manuel les restent stables : elles représentaient environ 30 % des heures travaillées en 2022, et la demande pourrait rester à peu près au même niveau jusqu’en 2030.
Redéploiement des travailleurs : clé pour éviter la stagnation
L’un des enjeux majeurs est le re-déploiement des travailleurs. Le rapport souligne qu’il ne suffit pas d’automatiser : il faut que les heures libérées soient re-intégrées dans l’économie à travers des tâches nouvelles et de la création d’emplois, sinon le risque est la stagnation ou une productivité en berne.
Dans le scénario le plus favorable (adoption rapide + bon redéploiement des travailleurs), l’Europe pourrait atteindre un taux de croissance de la productivité d’environ 3 % par an jusqu’en 2030. En revanche, en cas d’adoption lente, ce taux tomberait à 0,3 %, proche du niveau actuel de la productivité en Europe occidentale.
Comment l’IA affectera les travailleurs selon leurs revenus
Tous les travailleurs ne seront pas affectés de la même manière : les emplois les mieux rémunérés voient une demande croissante, tandis que les métiers les moins bien rémunérés sont beaucoup plus susceptibles de devoir se reconvertir. En Europe, les travailleurs des deux tranches de salaire les plus basses pourraient être 3 à 5 fois plus susceptibles de changer d’occupation que les salariés mieux payés. Aux États-Unis, ce ratio pourrait atteindre jusqu’à 14 fois.
4 stratégies pour tirer parti de l’IA et booster les compétences
Pour les entreprises, le rapport identifie quatre priorités stratégiques afin de tirer pleinement bénéfice de l’IA et de l’automatisation :
- Comprendre le potentiel : Les dirigeants doivent évaluer les technologies (IA, automatisation) dans leur capacité à libérer du temps de travail, redessiner les rôles et modifier les besoins en compétences.
- Planifier une transformation de la main-d’œuvre : Identifier les cas d’usage stratégiques, estimer l’écart de compétences, définir les besoins en nouvelles recrues, en montée en compétences ou en redéploiement des salariés.
- Prioriser le développement des personnes : Il est essentiel de recruter ou former les talents pour l’IA et les technologies connexes, mais aussi d’investir dans les compétences non techniques (pensée critique, créativité, adaptabilité).
- Engager les dirigeants dans une démarche d’éducation : Les cadres supérieurs doivent comprendre la portée des technologies d’automatisation et être des modèles pour le reste de l’organisation. Un roadmap dédié doit être mis en place pour maximiser la valeur business et RH.
Adopter l’IA dès aujourd’hui : une opportunité stratégique pour la productivité
L’adoption rapide de l’IA et de l’automatisation représente une opportunité unique de relancer la croissance de la productivité — ce qui pourrait, à son tour, créer de meilleures perspectives sociales (emplois de qualité, élévation des compétences, etc.). Cependant, ne pas saisir cette dynamique pourrait conduire à un ralentissement prolongé, voire à un recul de la participation des travailleurs à l’économie productive. Le rapport met ainsi en avant l’idée que les choix faits aujourd’hui (dans les entreprises, mais aussi par les autorités publiques) auront des effets durables sur l’emploi, la productivité et la cohésion sociale.
IA et futur du travail : technologie et compétences humaines main dans la main
L’arrivée généralisée de l’IA — et en particulier de l’IA générative — change radicalement la donne pour le travail. Mais l’essentiel ne réside pas uniquement dans la technologie : il réside dans la façon dont nous élevons les compétences humaines, redéployons la main-d’œuvre et adaptons l’organisation du travail. Pour l’Europe et les États-Unis, il s’agit d’une course : adopter la technologie trop tard pourrait entraîner un retard tenace en productivité, tandis qu’un adoption rapide accompagnée d’un fort investissement humain peut créer une voie inclusive et dynamique vers l’avenir du travail. Les entreprises et les responsables politiques ont donc une fenêtre d’opportunité — et un enjeu stratégique — : faire de l’IA un levier de progrès, non pas exclusivement une cause de disruption sociale.
 
				 
															 
								 








 
								



 
